C’est dans son atelier regorgeant de centaines de toiles et dessins que François Pagé, peintre de 52 ans, trouve son inspiration. Niché juste derrière l’hippodrome de Chambray-lès-Tours, les murs de cet atelier regorgent de peintures de tous styles dévoilant un artiste prolixe et doué. Rencontre surprenante avec une figure incontournable de la peinture en Touraine et d’ailleurs.
Définir le style de François Pagé est aussi difficile que de trouver les limites de l’univers. Car des univers, cet artiste peintre tourangeau en traverse. Cet homme aux multiples facettes lutte pour ne pas être catalogué dans un style ou un autre. « Je combat le style. Le but de l’art, c’est d’émouvoir, d’interpeller, de démontrer…Le spectateur ou l’amateur doit se poser plus de questions sur une réalité qu’il voit tout le temps ». Aller à la rencontre de François Pagé, c’est aussi une immersion dans un univers fait d’une grande maîtrise de l’Histoire de l’Art et d’une connaissance proche de l’érudition de l’histoire humaine à travers la peinture. Ancien élève de l’École du Louvre, diplômé en Histoire de l’Art et cinq ans de Beaux–Arts dans sa besace, par ailleurs fils d’un adepte également du pinceau, pour François Pagé, artiste au look bon chic bon genre, la peinture, c’est tout !
« Tous les jours, je remets en cause mon travail »
« Je lutte contre le fait que l’on impose un style. Pour certains, c’est en pur esprit mercantiliste qu’il y a un besoin de définir les choses aussi simplement. Les marchands d’art poussent à reconnaître l’artiste au lieu d’identifier l’œuvre ». F. Pagé n’a pas sa langue dans sa poche. « Il faut tomber amoureux d’une œuvre pour la définir. On veut avoir une œuvre d’art pour soi. Comme dans un rapport amoureux, on veut l’autre uniquement pour soi… ». Pour lui, le marché de l’art implique la notion d’investissement qu’il définit « comme une valeur marchande préfabriquée dans un contexte culturel donné et façonné par les critiques d’art et réconforté par un marché des collectionneurs où l’œuvre d’art est un produit ». Pour ce peintre rebelle, l’œuvre c’est la rareté et singularité. « Tous les jours, je remets en cause mon travail ».
Quand poésie et peinture se rencontrent
Quand on lui pose la question de savoir quel est l’art qui pourrait placer au dessus de la peinture, il répond sans hésiter et avec une frénésie pétillante dans les yeux, « la poésie !!! ». « Elle s’est imposée à moi, elle est à l’origine de ma peinture. Je lis beaucoup de poésie et je rencontre des poètes ». Les œuvres de François Pagé ont une particularité d’ailleurs : la plupart d’entre-elles sont signées au dos d’un vers écrit de la main de l’artiste. Dans son atelier, ce tourangeau a toujours auprès de lui, un cahier aux feuilles blanches qu’il appelle « ses notes d’ateliers » où il écrit une poésie par jour.
Plus de la moitié du travail de F. Pagé, concerne la réalisation de peintures monumentales (fresques, trompes l’œil,…). Il appelle cela de la « peinture de commande » et nous rappelle que « c’était ce que faisaient bon nombre de peintres avant l’avènement de la période impressionniste ». C’est à l’âge de 25 ans que le peintre se fait connaître. Il réalise la fresque qui décore le hall principal de l’hôtel de l’Univers, boulevard Heurteloup. Depuis, on peut voir son travail « monumental » partout dans le monde. A Paris, sur le plafond du théâtre Mogador, à Saint-Pétersbourg (Russie) au bistrot « Garçon », au Maroc, à la mairie de Marrakech, à New York, où il a réalisé une galerie de portraits pour une riche famille de la côte Est. On peut aussi apprécier le travail du « maître » dans l’agglomération tourangelle, au château de Rochecotte ou encore à Saint-Avertin. Et plus récemment, à la cathédrale de Tours, où François Pagé a réalisé une peinture gigantesque sur toile de lin de 33 mètres sur 12 mètres dans le cadre des derniers travaux qui ont duré six ans.
« Il n’y a pas un cm2 de mes peintures qui ne soit pas voulu ou pensé. Je déteste le hasard !… »
Le reste de son travail réside dans la réalisation de toiles aux univers et styles différents. François Pagé aime l’œuvre et le travail de Gerhard Richter, un peintre de l’ex Allemagne de l’Est. « Pour moi, c’est un monstre de la peinture. C’est un des premiers qui a un regard sur l’œuvre et au travers de celle-ci, un regard sur notre société ». En écoutant François Pagé et en découvrant l’ensemble de ses peintures, on ne peut résister à l’envie de lui demander si, lui aussi, a ses périodes. « Oui, j’ai des périodes optimistes et plus pessimistes liées à ma vie personnelle. Aujourd’hui, je travaille sur dix thèmes différents ». Pour ce peintre exalté « il n’y a pas un cm2 de mes peintures qui ne soit pas voulu ou pensé. Je déteste le hasard !… ». Et s’il l’on évoque avec lui, la possibilité d’arrêter un jour la peinture « Il n’y a que la mort qui le pourra ».
Si François Pagé n’avait jamais pris un pinceau dans la main, c’est du côté du monde des mathématiques qu’il se serait tourné ou de l’astrophysique. Il aime Michel Serre et dit tout de go « c’est le grand père que j’aurais aimé avoir ». Evoquer avec lui ses envies et passions, c’est aussi prendre conscience que cet artiste tourangeau est un homme libre qui n’aime pas les contraintes. « J’aime voler, nager et skier » dit-il. « Ce sont des activités où j’ai une vraie sensation de liberté et dans le ciel ou dans la neige, on peut aussi dessiner et réaliser une œuvre… ».
« Je ne pense que peinture, je ne pense qu’à çà ! ». Aller à la rencontre de François Pagé n’est pas chose aisée. Cet artiste aux multiples facettes et au talent reconnu dans le monde entier à son univers et sa conception du monde. S’asseoir en face de lui, déambuler avec lui devant ses peintures et dessins, est un véritable voyage dans un monde qu’il a construit, fait de nombreuses références culturelles, artistiques et poétiques. Une immersion où une interview de deux heures ne suffit pas.
Crédits photos : Arnaud Roy pour 37°