ÉCHOS-MYTHOLOGIE
Trop petit pour ce qu’il contient,
L’arbre échevelé s’évapore
Et se perd dans un vent
Qui n’est pas celui de nos saisons courtes.
On est dans le colin-maillard des choses
Et la rumeur qui me traverse
Est un ultrason de mémoires…
Je cherche à l’orée du réel
Un bijou-sésame au moyen duquel
Je puisse entrer dans l’au-delà
Qui me dépasse et me porte au grand large…
Hercule, au cœur du jardin fabuleux,
Attend des Hespérides
Une échappée vers l’autre monde…
Narcisse, au-dessus de lui-même,
Oublie sa liberté
Pour un amour qui lui ressemble…
Un corps de femme nue me regarde et m’attire
Au-delà de ma pesanteur
Dans l’eau qui nous réunira…
Est-elle vraie ?
Est-ce un légendaire amoureux
De ma réalité ?
Ne plus se fier à la raison !
S’en remettre au délire
Hors des sillons battus
De l’espace et du temps banals !
Ce sont les îles fortunées
Qui font de ma passion
Une mythologie féconde et capitale.
MICHEL LAGRANGE
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Francois Pagé, le « gentleman painter »
Article écrit par Arnaud Roy – Le 06 01 2015 à 08:01
C’est dans son atelier regorgeant de centaines de toiles et dessins que François Pagé, peintre de 52 ans, trouve son inspiration. Niché juste derrière l’hippodrome de Chambray-lès-Tours, les murs de cet atelier regorgent de peintures de tous styles dévoilant un artiste prolixe et doué. Rencontre surprenante avec une figure incontournable de la peinture en Touraine et d’ailleurs.
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François Pagé, la couleur avant tout
Laurent Benoist Magazine de la Touraine
« Aucun Art n’est aussi peu spontané que le mien . Ce que je fais est le résultat de la réflexion et l’étude des grands Maîtres. »
Edgar Degas
Artiste peintre, François Pagé nous a ouvert les portes de son atelier à Chambray-lès-Tours, l’occasion de découvrir un artiste qui compose avec la couleur comme un musicien avec les notes.
C’est l’explosion de couleurs qui surprend avant tout le visiteur qui s’aventure dans l’atelier de François Pagé, face à l’hippodrome de Chambray. L’explosion de couleurs sur les toiles aux murs, bien sûr, rutilantes, scintillantes, éclatantes, mais aussi la verve colorée avec laquelle l’occupant des lieux parle de son travail. De son travail mais aussi de la peinture des autres, car le maître des lieux dégaine aussi facilement le verbe pour parler des œuvres de ceux qui l’enchantent que des siennes !
La peinture de François Pagé ne se réduit pas simplement à la surface de la toile. Elle est avant tout le fruit de son amour de l’art, des longues heures passées à contempler le travail de ses prédécesseurs, ainsi qu’à lire les ouvrages d’art, nombreux, qui s’empilent, cahin-caha, sur les étagères de son atelier. De fait, certains éléments de sa peinture appellent nécessairement la comparaison avec ses pères et ses pairs : on peut reconnaître, ici, le sens de la mise en scène de Leonardo Cremonini; ailleurs, on retrouve des nymphes, rescapées du dix-septième siècle, ou glissées d’un fragment de toile de Jouy. La citation a, chez François Pagé, droit de cité. Ce n’est pourtant pas la citation stérile, la copie servile : c’est au contraire, à la fois une manière d’hommage à tous ces grands maîtres qui jalonnent l’histoire de la peinture et aussi l’appropriation d’un vocabulaire de motifs, d’une grammaire des formes que l’artiste arrange ensuite à sa guise, au gré d’une approche de la peinture qui lui est intimement propre.
Construire par contrastes
Comprendre la peinture de François Pagé s’est aussi comprendre qu’elle est construite par contrastes et par strates : contrastes des textures entre les aplats lissés, soyeux et les parties plus tumultueuses où la peinture, rêche et rugueuse, contient des inclusions de sable, de poussière et d’autres éléments hétérogènes. Contrastes, également, entre les éléments parfaitement identifiables (ici un bosquet d’arbres ou un alignement de chaises longues, plus loin le drapé d’un rideau de scène) et les zones plus gestuelles, où la peinture s’épanche en toute liberté, oscillant entre matière tellurique et auréoles aquarellées. Contrastes enfin des couleurs et du jeu audacieux des complémentaires : l’incendie de l’orange brûlant est éteint par le froid de l’outremer, le vert le plus acidulé appelle la morsure de quelques touches parme. « Je possède à peu près toutes les teintes de couleurs de toutes les marques…et j’utilise aussi bien les gammes beaux-arts que la peinture pour les murs » ajoute, facétieusement, François Pagé. Chaque teinte, chaque nuance est ainsi soigneusement choisie en fonction de sa voisine et de son effet global sur la toile. La peinture est autant un travail d’artisan qu’une poursuite intellectuelle : si elle possède une émotion esthétique indéniable, elle doit aussi satisfaire les autres sens, être la porte de sortie (d’ouverture serait sans doute un terme plus juste !) vers un monde autre, fait d’émotions et de réflexions: la peinture de François Pagé se situe ainsi dans cette tradition de l’art français de « la peinture lettrée », qui passe par Nicolas Poussin et, plus proche de nous, Jean-Michel Alberola: « Oui, il y a une dimension métaphysique indéniable dans mes oeuvres; cette même dimension qui sépare par exemple Bonnard, de Vuillard ou de Vallotton. Les œuvres de ce premier, magnifiques, sont une tentative de saisir la lumière et de capturer la couleur, tandis que chez les deux derniers, il y a une volonté d’emmener l’esprit du spectateur ailleurs; je vois plus leurs tableaux comme des paysages de l’âme et c’est cet ailleurs que je cherche moi aussi à atteindre ».
Né en 1962, François Pagé grandit à Tours. Après l’Ecole du Louvre à Paris, il suit l’enseignement des Beaux-arts de Tours dont il sort diplômé en 1988. Il est nécessaire, afin de comprendre son engagement dans la peinture, de se restituer le contexte de la fin d’une époque qui ne jure alors que par la vidéo, l’installation et la performance. La peinture – qui est plus est figurative ! – est alors le parent pauvre, délaissée au profit d’autres formes d’expression jugées moins rétrogrades et moins dépassées. François creuse néanmoins sa trace, comme le pinceau creuse les empâtements sur la toile. Il le reconnaît, sa formation doit beaucoup à Jean Maillot, professeur aux Beaux-Arts et décorateur du Grand Théâtre de Tours : « j’ai travaillé avec lui pour des décors d’opéra et j’aimais beaucoup le sens scénique de sa peinture ». Depuis, il a exposé à maintes reprises en Touraine… et ailleurs : La galerie L’œil fertile en 1994, l’Hôtel Gouin en 2006, la galerie des Bons Enfants en 2007, la Médiathèque de la Riche en 2008, le Salon du Grand Format à Pussigny en 2009 et l’Espace Nobuyoshi dans le cadre de l’exposition de groupe XXART en 2010. Il est aujourd’hui représenté par la Galerie Brigitte Capy, à Hossegor et la Galerie du Parlement à Rennes (qui lui consacrera une exposition personnelle l’année prochaine). Il ouvre également son atelier chaque année dans le cadre du week-end Ateliers: Portes ouvertes, chaque octobre. A quand une exposition d’envergure sur Tours, qui lui rendrait hommage ?
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L’artiste François PAGÉ nous convie à pénétrer dans ses jardins. Ce diplômé de l’école des Beaux-Arts de Tours s’est vu exposé de nombreuses fois, autant en France qu’à l’étranger. Prenant ses distances avec la mimesis, ses œuvres sont des fenêtres ouvertes sur une mer de couleurs explosives de douceur, sur mille lieux saturés de formes indisciplinées opérant un va et vient entre leur profil familier et leur évocation abstraite. Jardin comme terrain de jeux, l’artiste met en scène les contradictions du vide et du plein, du dedans et du dehors, du visible et du caché. Il fend le rideau séparant deux espaces, le sensible et l’imaginaire. La toile devient alors le cadre d’un univers fabuleux où la couleur est reine. Prenez donc le large pour percevoir l’harmonie du tout, approchez vous pour mieux scruter ces discrètes silhouettes qui l’habitent.
Jardins-frontières s’ouvrant sur des horizons dont le mystère nous attire, les œuvres de François PAGÉ apparaissent tel le seuil de notre imaginaire. Osez franchir cette porte qui vous mènera vers les plaines idylliques de votre jardin secret.
Audrey Maton
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Il ne s’agit ni du proche ni du lointain des paysages, ni du début ni de la fin, les jardins de François Pagé, une chair qui croît des lisières de la toile. En cette éclaircie qui se moque du jour, se noue une idylle de couleurs presque neuves : celles épaisses de moire chaude, le vertige des orchidées, celles qu’évaporent des transparences d’encre, un peu aussi de ce rouge qu’on voit au front des théâtres et des cirques. Et puis soudain, un trait de graphite pur alerte l’œil et tend l’espace en une ligne dont la puissance traverse la couleur. Surgissent des énigmes, des figures privées de nom, présentes simplement, tout à fait en dehors des histoires. Ce sont de grandes formes simples, des organes feuillus, des paupières épanouies en joyeuses protubérances, des fragments offerts à tout l’entier du monde. Une luxuriance qui perdant un moment son pouvoir de croissance, ressemble à un havre, si bien qu’en son centre, on n’écoute plus rien que la lumière du blanc.
Florence GUIBERT
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Dé-nature
Comme un jardinier dans un jardin clos, je m’engage plus à contredire la nature que d’en restituer un pastiche.
Il s’agit bien là de « dénaturer », dans le sens où ma peinture a été tracée, modifiée, altérée, reconstruite, greffée, sarclée, arrosée.
De l’image à l’imaginaire la scénographie laisse apparaître des figures liées à l’art populaire : statue, satyre, berger, promeneur, animaux, tente, cabane… Ils sont là comme mis à l’écart, camouflés, tressés, comme une image dans le tapis, sans haut ni bas, pas de sens encore moins d’apesanteur, plutôt une vision du troisième œil.
Denature
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Like a gardener in his exclusive garden, I engage myself more in contradicting nature than in restoring a pastiche.
The question is to « denature » in the sense that my painting has been traced, modified, reconstituated, grafted, watered.From the image to the imaginary the scenography lets appear figures related to popular art : statues, satires, shepherds, animals, tents, cabins… They are there yet put aside, camoufflaged, woven, like an image in a carpet, with neither a top nor a bottom, no direction even less weight, more like a vision from the third eye.
« Nature art today » édition Eric Patou
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« François Pagé cultive ses jardins… »
Le plaisir est dans la séduction et la nature séduit les âmes saturniennes par ses décors, ses arômes encensoirs, son essence incantatoire. Métamorphosée dans l’esprit du peintre qui se la réapproprie à ses propres ardeurs, elle revêt chez François Pagé l’apanage d’une femme dont les lettres du prénom symbolisent un univers fantasmagorique orné de mille tonalités parfumées…Et à chaque prénom, une dimension picturale jaillit de l’œuvre, telle une mise en scène romantique à travers laquelle quelques songes ineffables évoluent de façon altière et cernent de lyrisme gestuel et de poésie coloriste le support qui n’a nul mot à dire, se contentant seulement de se laisser surprendre, recouvrir et griser de désirs matiéristes. Une aura translucide traverse parfois le théâtre de ces jardins à l’anglaise pour irradier en ciel d’opale à l’arrière plan des compositions.
Le peintre s’abreuve aux fontaines de Jouvence et le jour ne décline jamais dans ses œuvres. D’une bribe de nature morte, comme celles jadis si prisées par les Maîtres de la peinture de genre, il en ressort ici un jeu de cache-cache anachronique de styles défiant les canons esthétiques et l’horloge de Chronos. François Pagé cultive ses jardins, comme un philosophe des Lumières il les souligne d’une réflexion aussi mesurée que la main qui les peint.
Lièvre en faïence trônant au centre, faisant au bord de la pièce, silhouette en mouvement traversant l’œuvre, est-ce le sceau d’un vécu se mêlant aux chimères des muses ou l’estampille de penchants intimistes qui interpellent l’œil puis s’évanouissent dans le dédale imaginaire d’un jardin dont l’artiste nous livre un fragment par touches et rayons coloristes élaborés ? Avec le sourire, l’artiste se confessera peut-être, sinon le spectateur jouira de toute sa liberté pour imaginer à sa guise ce que l’œuvre lui suscite émotionnellement et mentalement et peut-être y rencontrera-t-il la légende personnelle du peintre ?…
François Pagé cultive ses jardins comme un poète matiériste savant, usant de l’enseignement passéiste au profit d’une conscience avant-gardiste. Les formes parfois oblongues, parfois circonvolues qu’il dépose sur ses toiles coulent de source et les couleurs arpentent des allures de météores incandescentes croisant le fer avec la douceur de nues diaphanes gonflées de songes, offrant ainsi au regard une poétique ornementale et une dialectique des sens…
Virginie Gauthier, février 2007.